02. Contexte

Bienvenue étranger.

Le dernier chameau s’effondre au pied d’Akhmhet.
Derrière l’enceinte en pierre blanche encerclant la cité s’élève la voix chantante du murghek. Ses prières volent dans les rues plongées dans un silence respectueux. L’espace d’un instant, la vie se fige. Du cheik aux artisans en passant par les enfants des rues, tous récitent l’oraison à la gloire d’Ish’qal la créatrice. Toi et la carcasse gisant à tes pieds attendez que les gardes aient fini. En plein soleil. Tu te vois déjà subir le même sort que ton malheureux animal. Un seul détail t’apporte du réconfort : les cachettes des pirates de sable coincées entre les dunes de Qarakhan sont loin. Les lames de leur dague sont rouges du sang trop versé. Ils sont dénués de toute pitié. Comme le monde qui les a vus naître.

Au moment où les portes s’ouvrent enfin, des cris s’élèvent dans ton dos. Un golem de sable te toise avant de s’effondrer brusquement. Deux silhouettes passent le rideau de sable. Tu as juste le temps d’apercevoir des pierres grises remplaçant leurs yeux et un tatouage blanc sur le front. Les moines guérisseurs de l’Ordre de Fyrzakh t’ignorent. Il faut dire que… Qui s’arrêterait sur toi ? Avec ta tunique sale déchirée et tes cheveux poisseux, on pourrait te confondre avec les mendiants qui fourmillent sur la place des scorpions. Tu pourrais bien les rejoindre si tu ne fais rien de ta misérable existence.

Et dis-moi pourquoi es-tu ici ? Pour la gloire ? Pour l’argent ? Pour la liberté ? On a dû te conter mille histoires, mais tu sais, personne n’est libre à Akhmet. Même le cheik est entravé par les manigances de ces conseillers  et par le respect dû à Fyrzakh. Tu connais sûrement l’histoire. Fyrzakh courtisa Ish’qal. La douce accepta ses avances. De leur union naquit un monde animé de tensions et de méfiance. Descendu sur terre, Fyrzakh arma les hommes en leur offrant la connaissance. Cette implication contraria Ish’qal qui la condamna à rester sur terre. Oh, le pauvre Fyrzakh fut sûrement abattu les premiers mois… Cela ne l’empêcha pas de refaire sa vie. Femme, enfant, un statut d’homme de lettres. Il avait tout ce que quelqu’un pouvait désirer.
Jusqu’au jour où une femme aux yeux de gazelle le percuta lui laissant pour seul souvenir, une tache carmin auréolant sa tunique et le souffle glacial de la Mort.
Fais des choix avisés, si tu tiens à ta vie. Elle vaut moins que les troupeaux de chameaux des marchands les plus influents. Alors fais profil bas, car aucun hakam ne te défendra.

Ça m’embêterait que ta tête soit offerte à des vautours. J’ai des projets pour toi.
Qui suis-je ? Manat, celle qui veille sur vos destinées.
Mais ne te soucie pas de moi. Continue ton chemin, je reviendrai à toi au moment voulu.